Par Achille de Homem-Christo, rédacteur en chef d'Après la Terminale

Lycéens, lycéennes, vous qui êtes sommés de répondre à des questions (parfois assommantes) sur votre orientation, Parents, responsables de lycées, conseillers d’orientation, vous qui accompagnez les lycéens et les jeunes bacheliers dans l’un des choix les plus structurants (et donc nécessairement un peu effrayant) qu’ils aient eu à faire jusqu’à présent.

Peut-être l’avez-vous remarqué : l’année 2014-2015 a été marquée par des modifications profondes du paysage des études supérieures françaises. Et ce changement, qui va dans la bonne voie, devrait s’accélérer dans les années qui viennent.

Que se passe-t-il ?

Emboîtant le pas d’instituts comme Sciences Po Paris, dont la mue est désormais largement avancée, les écoles vivent les unes après les autres leur révolution : les écoles de commerce se lancent dans une création frénétique de nouveaux programmes (notamment avec les bachelors et les Masters Spécialisés, ces produits dérivés gravitant autour de la marque Grande École), elles diversifient leur recrutement en s’adressant de plus en plus à des étudiant.es qui n’ont pas été en prépa (bientôt 50% des diplômés recrutés en admissions parallèles), ouvrent des campus à l’étranger, créent des doubles cursus avec des écoles d’ingénieurs, qui elles-mêmes créent des passerelles pour attirer les étudiant.es en médecine n’ayant pas validé leur 1ère année... 

Qu’est ce qui les fait bouger, tout à coup ?

« Aujourd’hui, les responsables du recrutement misent davantage sur le potentiel. »

« Ce changement des critères de recrutement à l’entrée du marché du travail, le potentiel et non plus les compétences, modifie, en amont de la chaîne, les processus de sélection dans les études supérieures »

« Il est possible de tirer le meilleur de la licence universitaire, qui demeure une solide formation théorique et qui doit être désormais considérée comme un tremplin vers une poursuite d’études : Sciences Po, Grandes Écoles de commerce, écoles de journalisme, Master sélectifs à l’étranger...»
 

D’abord la nécessité de s’adapter aux standards internationaux, pour pouvoir accueillir plus facilement des étudiant.es étrangers dans leurs classes. Ensuite l’obligation de se plier aux exigences de ceux pour qui elles travaillent : les moteurs du changement sont toujours dictés par la loi du plus fort, et en matière d’enseignement supérieur « la chaîne alimentaire » est la suivante : l’étudiant obéit au professeur, le professeur obéit au directeur de son école et le directeur de l’école doit rendre des comptes à ceux pour qui ils forment ses étudiant.es : ceux qui recruteront ses diplômés, c’est-à-dire principalement les directeurs des ressources humaines (DRH) des entreprises. Et les DRH sont eux-mêmes forcés de s’adapter à l’évolution du monde du travail. Comme l’observe la Harvard Business Review (HBR) dans une étude récente, jusqu’à présent les recruteurs avaient mis l’accent sur les compétences (les emplois ont été décomposés en compétences et attribués aux candidats qui les possèdent). Mais l’entreprise du XXIème siècle est trop volatile et complexe – et le marché des hauts talents trop restreint   – pour que ce modèle puisse continuer de fonctionner. Aujourd’hui, les responsables du recrutement misent davantage sur le potentiel, c’est-à-dire la capacité à s’adapter aux évolutions constantes de l’activité et à progresser dans de nouveaux rôles plus difficiles. Les DRH cherchent désormais des diplômés motivés, curieux, perspicaces, engagés et déterminés (les 5 « indicateurs de potentiel  » selon la HBR) ? Les écoles doivent désormais sélectionner leurs candidats sur ces nouveaux critères. Les consignes données par le directeur de Sciences Po Paris à ses membres du jury vont en ce sens (« recrutez des élèves curieux ! »). De même que les expériences personnelles, qui sont devenues le fil rouge des concours d’entrée en admissions parallèles à HEC, ESSEC, EM Lyon, EDHEC, aux concours Tremplin et Passerelle…

 

Ces changements sont une bonne nouvelle car elles rebattent les cartes pour la plupart des lycéens : les premiers de classe ne seront plus automatiquement ceux qui décrocheront les meilleurs diplômes : les notes comptent de moins en moins par rapport à la personnalité et à la maturité, qui se juge moins sur la capacité à rédiger une dissertation qu’à se frotter à l’expérience de la vie avec une attitude… entrepreneuriale ! Seule l’université se tient à l’écart de ce mouvement de fond, continuant de transmettre le savoir pour le savoir, sans s’intéresser vraiment aux débouchés de ses diplômés. Mais - avis aux futurs étudiant.es de licence ! - il est possible de tirer le meilleur de la licence universitaire, qui demeure une solide formation théorique et qui doit être désormais considérée comme un tremplin vers une poursuite d’études : Sciences Po, Grandes Écoles de commerce, écoles de journalisme, Master sélectifs à l’étranger... Autant de débouchés désormais accessibles après une licence. La prépa n’est donc plus la seule filière d'excellence : choisir la fac est de plus en plus souvent une stratégie payante, comme en témoigne l’ouverture du Collège Universitaire Cartesia, présenté en page 23. Finalement, le champ des possibles s’élargit tout d’un coup : terminés les parcours tout tracés qui mènent vers des carrières rectilignes. Le décloisonnement des études fait écho à celui du monde professionnel. 

Place aux astucieux qui sauront saisir ces nouvelles opportunités !