La tête dans les nuages avec l’ENAC
Depuis la Terminale, le rêve de Vincent, 23 ans, était d’intégrer la prestigieuse École Nationale de l’Aviation Civile. Après 4 années d’études supérieures et 3 tentatives de concours, il y est enfin parvenu. N’ayant jamais baissé les bras, il revient sur son parcours atypique.
- Peux-tu nous résumer ton parcours depuis le bac en quelques mots ?
Après un bac S j’ai fait une prépa maths sup / maths spé, et j’ai redoublé ma deuxième année. Je n’ai pas été admis dans l’école de mes rêves à l’issue de ces trois ans donc j’ai fait une année de fac de physique. J’ai à nouveau passé les concours et cette troisième tentative s’est avérée la bonne : elle m’a permis d’intégrer l’École Nationale de l’Aviation Civile à Toulouse.
- D’où t’est venu ce rêve de faire l’ENAC ?
Beaucoup de membres de ma famille travaillent dans l’aéronautique : mon père est lui-même contrôleur aérien et est passé par l’ENAC, mon oncle est pilote de ligne et est passé par l’ENAC... Des cousines, amis sont stewards ou hôtesses de l’air. On a donc la culture de l’aviation dans la famille, et j’ai pu bénéficier de certains avantages comme visiter les tours de contrôle ou un cockpit ! C’est un monde qui me plait et me fait rêver. D’autre part, les conditions de vie sont très agréables pour le cas du contrôle aérien : tous les jours, on régule le trafic aérien, c’est intense et grisant parce qu’on est un peu responsable de la vie de milliers de personne chaque jour, mais quand on rentre chez soi, c’est terminé, on ne se soucie plus du travail.
- Pourquoi as-tu choisi de faire une prépa après le bac ?
Au lycée, les professeurs nous avaient toujours présenté la prépa comme la meilleure option, celle qui ouvrait le plus de portes. Pour ma part, je suis quelqu’un de très fixé sur ses objectifs. J’ai toujours voulu l’école dans laquelle je suis aujourd’hui, et la seule possibilité pour y parvenir c’était de passer par une classe préparatoire.
- Comment as-tu choisi ta prépa ?
Par rapport aux résultats que j’avais eus au lycée, et puis par rapport à sa localisation. Je voulais rester dans le Sud (là où j’habite), et il n’y a pas beaucoup de prépas scientifiques donc j’avais le choix entre deux lycées, à Nice et à Valbonne. Celle de Nice était en plein centre-ville, c’était un vieux bâtiment qui respirait un peu trop le savoir à mon goût, ça me faisait peur. La prépa de Valbonne était un peu moins cotée mais elle était coupée du monde, perdue dans une forêt de pin, et c’est ce cadre beaucoup plus attractif qui m’a décidé en sa faveur.
- Comment as-tu vécu tes années de prépa ?
Très bien ! Je m’y suis beaucoup plu, il y avait une très bonne ambiance. J’étais en internat, j’avais choisi une formule où je rentrais tous les week-ends chez moi (chose que je faisais beaucoup moins en deuxième année). On ne se tirait pas dans les pattes, on était vraiment dans l’entraide…
A première vue, quand on regarde mon parcours on peut se dire que c’était un échec, mais je ne regrette absolument pas ces trois années de prépa : j’y ai acquis de vraies méthodes de travail et j’y ai beaucoup gagné en maturité.
- Raconte-nous les concours (la première et la deuxième fois !)
La première fois que je les ai passés, j’ai tout misé sur l’ENAC sans trop m’attarder sur les autres concours, en me disant que si je n’étais pas admissible, je redoublais. Donc je n’étais pas très stressé. J’avais un peu de pression pour cette école, mais ce stress a disparu assez rapidement.
La deuxième fois, il fallait que je vise plus large, c’était ma « dernière chance ». J’étais un peu plus stressé, mais j’avais la chance de passer les concours dans le même centre d’examen que mes camarades de prépa. Nous étions en contact visuel permanent, avec des regards de détresse, des sourires d’encouragement... C’était très rassurant.
- A l’issue des résultats de ta troisième année, qu’est-ce qui t’a décidé d’aller à la fac ?
J’avoue que ça a été le moment le plus difficile pour moi. Se retrouver sans rien de concret après 3 années de prépa, qui ne sont même pas reconnues comme un bac +3... Je me suis dit : « j’ai fait tout ça pour rien. » Mais j’ai voulu me laisser une dernière chance, la « der des ders ». Je me suis dit : « je vais à la fac, ça me laissera plus de temps, plus de temps libre aussi. »
En effet le concours de l’ENAC est spécifique. La plupart des écoles d’ingénieurs accessibles après une prépa demandent des TIPE (projets qu’on prépare en prépa et que l’on doit présenter pendant les concours). L’ENAC ne demande pas ça. Le concours prend la forme de QCM, il est possible de le travailler tout seul de son côté, et de le passer en candidat libre. En plus, je connaissais les épreuves donc je me suis permis d’y croire encore. Je ne l’aurais pas fait pour les autres concours, rien que pour les TIPE cela aurait été trop compliqué de ne pas être encadré.
De plus, ça m’embêtait de ne rien faire pendant toute une année. Je pouvais aller directement en L3 grâce aux équivalents ECTS. Je me disais aussi que ça me permettrait au moins d’avoir un diplôme à bac+3 et de préparer la chute si d’aventure je n’avais toujours pas le concours.
- Comment as-tu choisi ta fac ?
Je voulais toujours rester dans le Sud, mais je voulais quand même changer d’air. J’ai choisi Marseille, même si je déteste cette ville, parce que je ne connaissais personne là-bas, je voulais rencontrer de nouvelles personnes. J’avais le choix entre deux facs, et j’ai encore une fois choisi celle qui avait le cadre le plus sympa, près des calanques !
Venant de prépa, je savais que je voulais continuer dans la physique ou les maths. Il me semble que j’avais également accès à une fac de bio. Mais je n’avais pas fait de biologie depuis la seconde, cela aurait représenté énormément de travail. Mon but c’était de faire une licence que je pouvais obtenir « facilement » et en y prenant du plaisir. J’aimais beaucoup la physique donc j’ai choisi cette matière.
- Comment se sont passés les concours cette fois-ci ?
C’était presque étrange ! Cette dernière fois où j’ai passé les concours, c’est la fois où je l’ai le moins préparé. Je ne sais pas si j’ai fait preuve de fatalisme ou de réalisme, mais c’était un peu un ultimatum pour moi. Si je l’ai, très bien, sinon, il y a autre chose qui me plait et je me lancerai là-dedans (en l’occurrence, m’engager dans l’armée ou la gendarmerie). Je pense que ça m’a beaucoup aidé parce que j’avais moins de pression, je me disais : « si je ne l’ai pas, je rebondirai, de toutes façons je fais ça depuis 3 ans donc je ne suis plus à ça près ! ». Je n’avais plus peur.
Comme j’avais plus de temps grâce au rythme de la fac, j’avais pu reprendre le sport, j’étais en colocation avec un bon ami, la fac se passait bien, j’avais une vie très agréable à Marseille. J’étais vraiment beaucoup plus détendu, j’ai révisé deux semaines avant les concours. J’ai passé les écrits en me disant « de toutes façons je ne serai pas admissible », je pensais que c’était perdu d’avance, et finalement je suis allé aux oraux !
- Quelles sont les épreuves orales pour entrer à l’ENAC ?
Il y a une épreuve d’anglais et une épreuve de français-entretien (étudier un texte et continuer sur un entretien de personnalité). Là, il faut se faire beau, sortir la chemise, et donner tout ce qu’on a. Il faut miser sur la prestance, montrer qu’on est à l’aise quand on parle, qu’on ne se laisse pas déstabiliser facilement, et si on ne sait pas, ne pas inventer, mais rester honnête. J’ai toujours joué la carte de l’honnêteté, je ne sais pas si ça marche ou pas, mais c’est ce que j’ai toujours fait.
- Comment as-tu réagi quand tu as eu les résultats qui t’annonçaient que tu étais enfin reçu à l’ENAC ?
Je n’ai pas réalisé. Je n’ai pas crié ni fait la fête. Ma première réaction a été d’aller courir. J’ai choisi une bonne colline et suis monté tout en haut, pour surplomber la ville. Une fois en haut, j’ai fait un petit point sur ma vie, même si je n’ai que 22 ans, et je me suis dit « ça y est, ma vie commence ». Je n’avais plus aucune inquiétude quant à mon avenir.
Car l’ENAC est une école de fonctionnaires : à l’issue de la formation, on sait qu’on aura un travail et qu’on sera placé quelque part. Donc pour moi, avoir l’ENAC, c’était plus qu’avoir une école, c’était voir ma vie commencer pour de bon avec un emploi et un salaire assurés. Selon son classement au concours, on n’entre pas en même temps à l’école. Les premiers entrent en septembre et l’autre partie fait sa rentrée en avril. J’étais dans la deuxième moitié.
- Tu viens donc de rentrer à l’école. Raconte-nous tes premières impressions !
Pour le moment on suit les cours du tronc commun, qui sont assez fastidieux. Je vise le contrôle aérien, et pour le moment je n’étudie que de l’informatique, de façon très théorique, l’architecture d’un ordinateur, etc. Je n’aime pas trop ça donc j’ai vraiment hâte d’être en septembre et d’attaquer le cœur du sujet.
A côté de ça, Toulouse est une ville étudiante, très accueillante. Le campus est génial, on a des terrains de foot, de tennis, de volley, de beach-volley, de pétanque. On n’est pas surchargé au niveau des cours, on peut même dire qu’on apprend ce que sont les horaires de… fonctionnaires !
- Quelles sont les spécificités de cette école de fonctionnaires ?
Il y a quand même plusieurs filières. Seules quelques-unes sont rattachées à la fonction publique : contrôle aérien, administratif, équipes techniques qui interviennent directement sur les avions... Nous sommes considérés comme des fonctionnaires en formation et à ce titre, nous sommes déjà rémunérés ! En revanche, on a ensuite une obligation de travailler dans la fonction publique pendant un certain nombre d’années.
D’un autre côté, il y a les « ingénieurs ENAC », qui sont donc dans l’ingénierie pure et qui devront trouver leur entreprise une fois leur diplôme en poche. Idem pour les pilotes, qui seront embauchés par des compagnies privées. Ces formations ne sont pas rattachées à la fonction publique et ne sont donc pas rémunérées.
- As-tu un conseil pour les Terminales qui entrent en prépa l’année prochaine ?
Réfléchissez bien ! Il ne faut surtout pas aller en prépa par défaut en se disant « ça m’ouvrira plus de portes ». J’ai beaucoup d’amis qui ont commencé en prépa et qui ont arrêté dès la première année, qui sont allés en IUT et qui ont raccroché des très bonnes écoles d’ingénieurs en passant par les admissions parallèles. Ça vaut le coup de se renseigner là-dessus. A mon époque on ne m’en avait jamais parlé, on m’avait dit « si tu veux réussir, c’est prépa ». Je pense que c’est une erreur de le présenter comme ça. Il y a beaucoup de voie d’admissions et j’en suis la preuve !
Pour ceux qui sont vraiment déterminés, mon conseil est de bien choisir sa prépa, pas uniquement en fonction de son classement ou sa réputation. C’est le travail qu’on y fournit qui va être important. C’est une question d’investissement et de volonté. Les limites se voient rapidement : en prépa, il faut savoir mettre entre parenthèse certaines autres activités. Quand je n’en pouvais plus des cours, je partais courir, pendant que peut-être d’autres révisaient… Ça m’a peut-être porté préjudice.
En bref, il faut savoir dans quoi on se lance !