On a coutume de penser : le droit, c'est l’université. Hervé Kensicher, avocat d'affaires et enseignant à l’École des Hautes Études Appliquées du Droit (HEAD), plaide pour l’école, et nous donne ses conseils d’examinateur pour séduire les jurys d’admission. 

 

Hervé Kensicher, avocat associé (Finance & Immobilier) chez Orrick Rambaud Martel.

Comment êtes-vous devenu avocat d’affaires ?

En 1978, j’ai suivi un double cursus droit et langues, complété par une année d’échange aux Etats-Unis. À l’époque ce programme était révolutionnaire. Il m’a permis d’intégrer un cabinet d’avocats international avant même la fin de mon cursus, et cela sans avoir à envoyer le moindre CV ! Je suis reconnaissant d'avoir eu cette chance, fournie par un professeur visionnaire. C'est pour ça qu'à côté de mon travail, j'enseigne. Je veux que d'autres profitent des mêmes opportunités que moi.

Vous enseignez à l'école des Hautes Etudes Appliquées du Droit (HEAD). Pouvez-vous nous présenter cette formation originale ?

L'école HEAD c'est une année de niveau Master 2, avec 500 heures de cours. On peut s'y spécialiser en contrats d’affaires, en fusion-acquisitions, en droit social ou en droit fiscal. Le programme est original car il combine théorie juridique et apprentissage professionnel. On aborde des thèmes concrets qui vont de la rédaction de contrats en français et en anglais, à l’art oratoire, en passant par la négociation, la stratégie contentieuse ou la plaidoirie. Les 6 mois de stage en fin de cursus sont l'occasion de mettre ces connaissances en pratique. L'école est également ouverte sur l'étranger avec de nombreux partenariats internationaux.

Quel sont les avantages d'une école comme HEAD par rapport à un cursus universitaire plus classique ?

Le niveau de savoir pratique acquis par l'étudiant est incomparable. L'école collabore systématiquement avec des professionnels, qui donnent des cours ou établissent des partenariats avec les élèves. Les cas concrets évoqués stimulent les futurs juristes et les font entrer de plain-pied dans le monde du travail.

Contrairement à la fac, où les personnalités individuelles sont noyées dans la masse, ici, les étudiant.es sont pris en charge au cas par cas. Chaque élève a un tuteur choisi parmi les sponsors de l'école. Ils se rencontrent régulièrement pour discuter stratégie professionnelle.

La moitié des cours se fait en anglais et chacun est encouragé à se rendre à l'étranger l'année suivant l'obtention du diplôme, dans le cadre d'un programme d'échange avec l’une de nos prestigieuses universités partenaires, comme la faculté de droit Brucelius à Hambourg ou la « law school » de l’université américaine Boston College. Et tout ça sans payer de frais d'inscription supplémentaires.

Mais apprendre, ce n'est pas seulement engranger des connaissances. L'expérience de vie est aussi très formatrice. C'est pourquoi tous nos étudiant.es sont amenés à prendre part à une activité sociale, comme par exemple, l'accompagnement de personnes handicapées.

Le prix de l’école HEAD, 14 200 euros pour 18 mois de scolarité, pourrait arrêter certains étudiant.es...

Non financée par l’impôt, l'école ne peut pas exister sans les frais de scolarité.

L’étudiant qui s’y intéresse doit considérer cela comme un investissement et évaluer ce que lui apporte l’école. Si elle lui ouvre la perspective d’une employabilité accrue ou d’une meilleure rémunération, alors cet investissement a un sens.

J’ajoute que les frais de scolarité d’HEAD sont beaucoup moins élevés que ceux d’un Master en École de commerce ou d’un LL.M à l’étranger.

Toutefois, pour promouvoir la diversité, l’école et ses sponsors ont mis en place un programme de bourses et de soutien à l’emprunt.

Contrairement à la fac, l'école est sélective à l'entrée. Comment se passe une admission et qui peut se présenter ?

Le Mastère de l’école HEAD est ouvert aux étudiant.es disposant d’un Master 1 ou d’un diplôme étranger équivalent, mais elle accueille également pour un programme préparatoire des étudiant.es titulaires d’une licence.

La sélection initiale, réalisée sur dossier, est suivie d’un entretien avec un jury, qui revêt une grande importance.

Depuis plus de 20 ans vous recrutez collaborateurs, stagiaires et étudiant.es. Quelles qualités recherchez-vous chez un candidat ?

Je m’intéresse avant tout à ses qualités relationnelles. Que ce soit en cabinet ou en entreprise, un juriste travaille toujours en équipe.

La culture et l’ouverture sur le monde sont également d’importants atouts. Le candidat doit montrer qu'il a d’autres centres d'intérêts que le droit et qu'il les a développés. En général, les recruteurs valorisent aussi l’enthousiasme, la curiosité intellectuelle, une saine ambition et l’adaptabilité. Mais il n’y a pas de modèle-type, car les personnalités sont diverses et leur appréciation est subjective.

Seules les compétences techniques sont susceptibles d’être évaluées de façon objective : les connaissances juridiques théoriques, l’expression orale et écrite, la maîtrise de l’anglais et les savoirs pratiques.

Et on voit la différence entre ceux qui travaillent et ceux qui bachotent ! Parmi les étudiant.es d’une même faculté, certains sont exceptionnellement bons en théorie tandis que beaucoup sont loin du compte.

Quelles sont les fautes souvent commises lors des épreuves orales d'admission ?

Les étudiant.es s’expriment plutôt bien à l’oral, mais l’expression écrite laisse souvent à désirer, qu’il s’agisse de syntaxe ou d’orthographe. Or, la pratique juridique est avant tout un métier du verbe.

Mais il ne s'agit pas uniquement de maîtriser la langue française. De nos jours, l'anglais est un prérequis. Or, nombreux sont les candidats qui n'ont dans cette langue que le niveau bac. Et quelques heures de remise à niveau par-ci, par-là ne peuvent y remédier.

Quant aux savoirs pratiques, on conçoit que la faculté n’en fasse pas sa pierre angulaire, son rôle essentiel étant d’enseigner la théorie. Mais tout de même, 5 années de droit sans avoir vu l’ombre d’un vrai contrat ? Imagine-t-on un mécanicien qui, au bout des cinq-sixièmes de son apprentissage, n’aurait jamais mis le nez dans un moteur ?

Le marché de l’emploi est très compétitif. Celui qui veut percer doit impérativement se démarquer. Face à deux candidats cultivés, ouverts sur le monde et chacun d’une personnalité attrayante, le recruteur choisira celui qui démontre dans un bon anglais qu’il a assimilé les fondamentaux du droit et possède déjà quelques outils pratiques.

Que diriez-vous à un étudiant qui débute son droit ?

Projette-toi dans l'avenir et favorise les secteurs où l’employabilité est bonne. Essaye d’avoir un plan A et un plan B, mais privilégie toujours les matières fondamentales : le droit des obligations et tout ce qui touche au droit des affaires.

Recherche systématiquement la raison d’être philosophique de la règle de droit. On retient bien mieux ce dont on comprend la justification que ce que l’on ne fait qu’apprendre par cœur.

Lis chaque jour pendant 20 minutes un magazine de langue anglaise. Pas besoin de dictionnaire, ce que tu ne comprends pas d'emblée, laisse-le de côté. Très vite, ton cerveau éclairera tout seul les zones d’ombres.

Et pour finir, cette formule qui est une invitation à avoir de l’ambition : « vise la lune – si tu rates, tu seras quand même parmi les étoiles ! »