Par Benjamin Charignon, directeur pédagogique des Cours du Parnasse

L’Étudiant, Le Point, Le Figaro, Challenges… Chaque année, les journaux y vont de leur « marronnier » sur le classement des Grandes Écoles : un numéro qui leur garantit de belles rentrées publicitaires, de nombreuses ventes, et que les directeurs d’écoles, conscients de l’influence de ces classements sur la réputation de leur école, attendent avec anxiété.
Nul doute que ces palmarès constituent un outil précieux pour les étudiant.es et leur famille : face à l’offre pléthorique d’écoles de commerce, grandes et moins grandes, et face à la débauche de moyens de communication investis par ces écoles pour donner le change lors des salons ou dans les rutilantes plaquettes destinées à faire rêver les lycéens et les étudiant.es, les candidats ont plus que jamais besoin d’outils objectifs leur permettant de séparer le bon grain de l’ivraie et d’y voir clair sur la hiérarchie des grandes écoles.


Il n’en reste pas moins nécessaire de conserver un regard critique sur ces classements, et de les lire avec le recul qui s’impose lorsque les enjeux sont aussi importants que ceux de l’orientation et du choix d’école. En tant que directeur pédagogique d’instituts de préparation aux concours (Les Cours du Parnasse, la prépa des concours postbac, et Admissions Parallèles), je suis toujours inquiet de voir des lycéens, des étudiant.es ou leurs parents justifier par ces fameux palmarès des stratégies de candidature parfaitement déraisonnables et contre-productives.


La semaine dernière, un élève de terminale, candidat aux concours postbac, m’explique sans sourciller qu’au sein du concours SESAME, il ne présente qu’une seule école, l’EM Normandie. Et comme je l’interroge sur les raisons de ce choix plus qu’étrange : « c’est la seule école du concours SESAME qui figure dans le top 6 des écoles de commerce postbac, dans le dernier classement du Figaro… » Que d’absurdités ne faut-il pas entendre ! Et quels risques prennent ces élèves qui fondent leur stratégie de candidature sur une lecture hâtive d’un palmarès !


Premier biais de ce classement des écoles de commerce postbac du Figaro, il ne recense que les écoles de commerce en 5 ans, qui délivrent le grade de Master. Exit, donc, le BBA ESSEC et le Cesem de Reims, deux écoles qui sont parmi les meilleures du concours SESAME, deux écoles notoirement plus cotées que l’EM Normandie, mais qui sont des écoles en 4 ans, et par conséquent exclues du classement des écoles de commerce postbac du Figaro.


Autre réserve sur ce classement, la fiabilité des informations retenues pour établir le palmarès. L’un des critères permettant de classer les écoles est leur sélectivité. Jusqu’ici, tout va bien : une école vaut notamment par le niveau des étudiant.es qu’elle recrute, et le taux d’admission dans une école donne une bonne idée de son attractivité. Mais quand on compare les scores obtenus sur ce critère par les deux seules écoles du concours SESAME figurant dans le Top 8 de ce fameux classement du Figaro, l’EM Normandie (classée 2e) et l’IPAG (classée 8e), on est en droit de s’interroger sur la source des informations recueillies par Le Figaro. Sont-elles purement déclaratives ? Ont-elles été mal vérifiées ? Toujours est-il que les scores publiés par Le Figaro, qui attribue, au titre de la sélectivité, 36 points à l’EM Normandie contre 14 points à l’IPAG, sont en flagrante contradiction avec les relevés de notes communiqués par le concours SESAME en 2015 aux candidats admissibles à ces deux écoles. Ceux-ci révèlent en effet que la barre d’admissibilité à l’EM Normandie se situait à 8,24 contre 10 pour la barre d’admissibilité à l’IPAG, et que la barre d’admission à l’EM Normandie se situait à 10,19 contre 10,35 pour l’IPAG. En d’autres termes, les relevés de notes reçus par les élèves des Cours du Parnasse prouvent que la sélectivité de l’IPAG était supérieure à celle de l’EM Normandie au concours SESAME en 2015, contrairement à ce que suggère le classement du Figaro.

Les classements, vous l’aurez compris, sont donc des outils qu’il faut manier avec précaution. Si vous êtes candidats aux concours d’entrée en école de commerce, ne perdez pas de vue l’objectif essentiel, qui est d’intégrer une école de très bon niveau. Et pour maximiser vos chances de réussite, la stratégie la plus ambitieuse et la plus raisonnable à la fois est celle qui consiste à présenter un large panel d’écoles, sinon toutes, pour avoir un vrai choix à l’issue des concours !